1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 16:49
Les élections présidentielles 2012
  • François Bayrou croit en son destin pour 2012
François Bayrou croit en son destin pour 2012

François Bayrou trouve le socialiste, François Hollande, particulièrement mauvais depuis sa victoire à la primaire.

afp.com/Francois Guillot

Il sera, parmi les compétiteurs de 2012, le recordman des candidatures à l'Elysée: c'est sa troisième. Cet homme de foi croit toujours en son destin. Mais peut-il vraiment gagner? Pour qui roule-t-il? Le sait-il lui même? 

François Bayrou a toujours imité Valéry Giscard d'Estaing. Il a aujourd'hui un autre personnage dans sa manche: Nicolas Sarkozy. Son phrasé, ses tics de l'épaule, ses hochements de tête. Il faut dire que le président du MoDem a bien pu observer le chef de l'Etat, depuis que les deux hommes ont commencé à se revoir régulièrement, à la fin de 2009. 

L'entendre, aussi - le président ne manque jamais d'insister que, réforme de la Constitution oblige, il ne pourra pas se présenter une troisième fois, s'il gagne de nouveau en 2012. "Ses ficelles sont des câbles", sourit le centriste, qui ne sous-estime toutefois pas le talent de ce président dès qu'il devient candidat: "Ce n'est pas un nul, politiquement."  

La surprise actuelle de François Bayrou vient plutôt de François Hollande: il trouve le socialiste particulièrement mauvais depuis sa victoire à la primaire. Pas à la hauteur. "Trop frêle", remarquait-il il y a déjà plusieurs mois. "La présidentielle est une élection de caractère", souligne-t-il aujourd'hui. 

Un chef de l'Etat sous pression, un opposant en difficulté: la route serait-elle enfin dégagée pour "le troisième homme de 2007"? C'est tout l'inverse. Certes, François Bayrou ne boude pas son plaisir d'avoir dressé, le premier, le diagnostic de la spirale infernale de la dette publique. Mais la crise semble provoquer actuellement une bipolarisation de la scène politique, qui a déjà conduit Jean-Louis Borloo à jeter l'éponge et peut se révéler fatal à François Bayrou. Sa proposition de dépasser les clivages, avec une "majorité centrale" (sans les extrêmes) et un gouvernement empreint d'"union nationale", peut-elle survivre à une campagne présidentielle? 

Un retour des bedouins?

"A circonstances exceptionnelles, réponse exception- nelle", parie la première vice-présidente du MoDem, Marielle de Sarnez. "En 2007, je me suis rendu compte qu'il y avait un chemin", complète Bayrou. Aucune règle ne l'atteste, et, pourtant, il en est persuadé: "Quand on a été un finaliste possible, on reste un finaliste possible."  

Il concède néanmoins un vrai problème. Non pas de crédibilité, mais de faisabilité: "Comment les gens peuvent-ils se représenter un scénario de victoire?" C'est le mystère Bayrou: s'il veut se convaincre qu'il peut jouer la victoire, il est conscient que le doute l'entoure. Selon la dernière vague du baromètre BVA-Orange-France Inter-L'Express, 6 % des sondés répondent qu'ils pourront voter "certainement" pour lui, 23 % "probablement". Ils sont, par ailleurs, 43 % à souhaiter la victoire d'un autre candidat que Nicolas Sarkozy et François Hollande. 

"Plus de maturité. Je donne plus, je suis moins en guerre avec la terre entière.", Bayrou, à l'université d'été de son parti. 

Il n'a pas toujours habitué à pareille clairvoyance. L'un de ses proches perçoit un big-bang intérieur: "Il y a environ dix-huit mois, au moment des régionales (catastrophiques pour son parti), il a accepté l'hypothèse de ne pas forcément passer le premier tour. Et, au printemps 2011, l'idée d'une alliance de second tour a germé."  

Chaque chose en son temps. D'abord, réussir sa campagne. En 2007, François Bayrou évoquait souvent les "bédouins" qui l'avaient aidé à traverser une première fois le désert - ses maigres troupes restées fidèles. Il reconnaît que c'était une "construction médiatique". Une tentative de transformer une faiblesse en force. Un cache-solitude, pour tout dire. Faut-il alors le croire quand il affirme désormais: "Je n'ai jamais eu une équipe plus solide que cette fois. En 2007, je n'avais personne d'envergure gouvernementale"? Et d'ajouter, vachard: "Vous imaginez (Hervé) Morin et (Maurice) Leroy ministres!" Le premier l'a été plus de trois ans sous Sarkozy et vient de déclarer sa candidature à l'Elysée, le second est toujours chargé de la Ville. La solidité de l'architecture de la campagne Bayrou découlerait de son organisation en cinq cercles: les proches, les élus, les "revenants", ceux qui "viennent d'ailleurs" et, enfin, ceux qui attendent encore pour le rejoindre publiquement. Le cercle de l'"outing", plaisante-t-il. 

Il donnera une consigne de vote

En 2007, François Bayrou avait raté l'entre-deux tours de la présidentielle. Il le sait, il a, à ce moment précis, perdu des électeurs qu'il n'a jamais retrouvés depuis. Son débat télévisé avec Ségolène Royal n'avait rien arrangé. De plus, ses 18% n'avaient pas servi à grand-chose. Cette fois, il entend compter. Peser plus, même s'il fait moins.  

Il donnera donc, "après consultation" de ses troupes, une consigne de vote. Sa première déclaration sur le sujet a quelque peu bouleversé la donne, car ses partisans risquent fort de se diviser. "Il aurait mieux fait de ne pas le dire, ça ne fait pas avancer le schmilblick", grince un membre de son entourage. 

Quand Alain Juppé, interlocuteur régulier avec qui il se verrait bien construire sa "majorité du courage", l'appelle "à ne pas se tromper dans le choix de sa vraie famille d'origine", il pense évidemment à la droite. D'ailleurs, qui tenait la vedette aux universités de rentrée du MoDem? Les anciennes secrétaires d'Etat de Jacques Chirac, Dominique Versini, et de Nicolas Sarkozy, Anne-Marie Idrac ; et les anciens ministres de l'UDF, Bernard Bosson et Jean Arthuis. Même Pierre Méhaignerie était là - un grognard de l'UMP, certes, mais qui exerce les fonctions de vice-président du conseil national de ce parti! 

Qui de nous trois?

Voilà qui pourrait donner quelques poussées d'urticaire aux anciens Verts, Jean-Luc Bennhamias ou Christophe Madrolle, toujours dans une opposition frontale à Nicolas Sarkozy. Sauf que Bayrou ne veut plus de cette confrontation-là: "C'était nécessaire, même si ce fut un choc pour certains de mes amis. Nous n'en sommes plus là", reconnaissait-il en septembre.  

Pas davantage ne veut-il être manipulé par le président. Il y a quelques mois, à Jean-Pierre Raffarin, qui prônait la main tendue à l'ancien ministre de l'Education, Nicolas Sarkozy avait demandé: "Ne dis pas trop que tu es copain avec lui! Il doit m'apporter des voix de gauche..." L'été dernier, le chef de l'Etat a reçu Jean-Marie Vanlerenberghe, vieux compagnon de route de François Bayrou et avocat d'une alliance avec la majorité actuelle. "Il faut être lucide: la gauche ne veut faire d'alliance qu'avec la gauche", estime le sénateur du Pas-de-Calais.  

La question sera: la France étant ce qu'elle est, qui d'entre nous sera le président qu'il lui faut? 

De quel côté finira par tomber Bayrou? Forcément du côté du vainqueur que laisseront entrevoir les résultats du premier tour? Il refuse d'entamer des discussions avec les uns et les autres avant le premier tour. "Ça se fera tout seul, au moment voulu, affirme-t-il. Ils [Hollande et Sarkozy] ont lu mon livre et ils savent ce que je veux." Lors de l'une de ses rencontres avec le chef de l'Etat, ce dernier lui a certifié qu'en cas de réélection, il "gouvernera[it] autrement" - François Bayrou l'a interprété comme la possible instauration de la proportionnelle aux législatives. Or sauver sa famille politique est une question essentielle à ses yeux. Un second signe allant dans le même sens lui a été donné lors de son face-à-face, organisé en novembre par Le Point, avec Alain Minc. L'essayiste proche du chef de l'Etat, songeant à un éventuel projet de loi voté en urgence au lendemain de l'élection présidentielle, lui a lancé à propos d'un changement de mode de scrutin: "Nicolas Sarkozy peut l'imposer dès 2012, tandis que les socialistes peuvent la promettre. Mais en 2017 !" 

François Bayrou rêve de rester libre et indépendant le plus longtemps. C'est pour cela qu'il s'est éloigné - depuis quatorze ans maintenant - du gouvernement. "J'ai été con comme tout le monde, en voulant être ministre à l'époque, confie-t-il. Mais je n'ai jamais considéré que Mendès France [NDLR: qui fut douze mois au pouvoir] avait raté sa vie." Il n'exclut pas de revenir au gouvernement - "seulement si j'ai les manettes". Encore faut-il qu'il y en ait ailleurs qu'à l'Elysée. 

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